Comme nous le voyons les chrétiens d'Orient en Irak et en Syrie sont stigmatisés, massacrés, chassés des villes qu'ils occupent depuis près de 2000 ans, nous frissonnons, prions et grinçons des dents. Nous voyons les incendies d‘églises, la défiguration des icônes, la destruction des sanctuaires, même celui du saint Prophète Jonas, nous voulons seulement joindre nos voix aux martyrs sous l'autel céleste et crier: « Jusques à quand, Maître saint et véritable, tarde-tu à juger, et à tirer vengeance de notre sang ! » (NDLR : Ap. 6:10)
Ces événements, ces attentats sanglants et horribles ne sont pas vain, ces morts ne sont pas sans signification. Depuis le temps des saints prophètes, très peu a changé. L’Histoire, aujourd'hui comme toujours, se déroule toujours selon les desseins divin. En effet, pour ceux qui ont les yeux ouverts, les "signes des temps" sont plus qu’une simple figure de style ou une attente de «l'enlèvement» [de l'Eglise au ciel]. Ainsi je voudrais vous proposer le signe Nun, la lettre utilisée par les militants de l'État islamique pour marquer les maisons chrétiennes.
La lettre NUN est apparu sur facebook et les autres réseaux sociaux comme un signe de solidarité avec les chrétiens d'Irak.
La lettre Nūn, est le son "N", qui est utilisé pour désigner les chrétiens parce que c'est la première lettre du mot "Nazaréen", l'ancien nom utilisé par les musulmans pour désigner les chrétiens. Cette lettre est rapidement devenu une «icône» dans le sens moderne du terme, une simple étiquette qui s'imprime facilement dans notre esprit, parce que sa simplicité le rend universel et bien au-delà du langage commun. Dès que les nouvelles sont parvenues que l'État islamique marquait des maisons de cette lettre comme une menace pour les propriétaires chrétiens, la même lettre est devenu immédiatement un emblème pour les chrétiens du monde entier, un symbole brandi avec fierté témoignant de la menace croissante que l'islam radical pose aux chrétiens du Moyen-Orient.
Nun peint à la bombe sur l'entré d'une maison chrétienne
Cette lettre cache beaucoup plus en son sein. Elle est en fait une lettre très puissante et sa forme est vraiment un "signe des temps". La lettre Nūn en arabe a le sens de baleine ou de gros poisson. Le mot pour poisson en arabe est nūn. En hébreu, en araméen et phénicien la lettre Nūn est également liée au poisson ou au serpent si bien que ces deux symboles ne sont pas si éloignés l’un de l’autre que l'on pourrait le penser. En arabe, le saint Prophète Jonas est appelé Dhun-Nūn. Bien sûr, nous savons tous que le poisson, l'acrostiche ΙΧΘΥΣ était l'un des premiers symboles utilisés par les chrétiens pour s'identifier.
Poisson avec d'autres symboles dans une catacombe.
Mais aussi surprenant que cette relation puisse paraître, le Nūn est en fait plus que cela. J'ai écrit de nombreux articles ces deux dernières années sur la notion de la mort, sur l'idée d'une périphérie, d'une enveloppe qui couvre «l'étincelle» caché. J'ai souvent montré que cela a été représenté par de nombreuses images dans le christianisme: le tombeau, l'arche, la grotte (l'antre), l'animalité, le poisson de Jonas.
Le Nūn arabe de toutes les autres versions de cette lettre dans les langues sémitiques agit surtout par sa forme même comme un condensé, comme une représentation géométrique de la mort comme je l'ai si souvent traité. Le Nūn est composé d'un demi-cercle sous-jacent avec un point au centre. C'est cette «arche» dans laquelle le point, cette étincelle divine se cache. Cela peut sembler extrapolé pour certains, mais c’est en fait un lien très intuitif. Quelques jours seulement après l’apparition du Nūn sur les médias sociaux, nous avons commencé à voir des versions qui avaient remplacées le point par une croix.
Les premiers chrétiens connaissaient très bien la relation entre le poisson et le symbolisme auxquels je fais allusion ici. Ils avaient également une version épurée du symbole de la mort qui entoure le point caché, une façon d'écrire ICHTHUS dans un acrostiche qui créait un cercle de 8 rayons pointant vers le centre de la croix. Il semble donc que cet ancien symbole du poisson révèle clairement certains de ses mystères aujourd'hui.
Ancien ICHTHUS sous forme d'un acrostiche complexe.
Mais je crois que cette très ancienne symbolique dans le contexte présent, qui s'est révélé récemment comme une brillante image sous la forme du Nūn arabe, serait mieux écrit comme ceci:
Car le Croissant islamique est une lune descendante, c'est la dernière lune, le dernier croissant. L’islam dit c’est le "sceau", mais il ne faut pas oublier que le sceau est la dernière chose. C'est ce qui termine, ce qui referme, ce qui "fixe" complètement le logos. Ce symbole a été utilisé auparavant dans une signification inverse par le tsar Ivan le Terrible. Nous pouvons le voir sur les églises russes tardives comme une célébration de sa victoire à Kazan où il a vaincu les Ottomans. En effet le tsar Ivan saisissant une relation géométrique intuitive profonde du point traversé par les rayons de la périphérie, ne semblait pas avoir remarqué le double aspect de ce symbole. Est-ce la croix qui supplante le croissant ou le croissant qui monte pour avaler la croix? Ou bien y a-t'il un moyen pour ces deux de coexister dans un équilibre parfait, la graine et la coque, la Parole et le Sceau?
Il y a quelques mois, j'ai fait une icône du saint Prophète Jonas et écrit un article sur son histoire (NDLR: notre traduction de cet article est publié à cette page). Il y a quelques semaines, l'Etat islamique détruisait le tombeau du prophète Jonas, le Dhun-Nūn dans l'antique cité de Ninive. En détruisant la mosquée qui contenait le tombeau, les miliciens ont également révélé ce qui était caché sous elle, les restes de l'antique église recouverte au 14ème siècle, comme un prophète se cachant dans une baleine. Et si nous devons garder nos yeux ouverts à la symbolique qui est là, dans la forme même de notre monde, dans le langage de l'histoire, histoire dans laquelle nous devons prier pour que nous puissions voir à travers l'horreur, la brutalité et le voile de larmes, la lumière de la résurrection. Je vous laisse donc avec l'icône de Jonas ainsi qu’avec sa prière, qui est aujourd'hui la prière des chrétiens syriens :
Jonas, dans le ventre du poisson, pria l'Éternel, son Dieu.Amen.
Il dit: Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Éternel, Et il m'a exaucé; Du sein du séjour des morts j'ai crié, Et tu as entendu ma voix. Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le coeur de la mer, Et les courants d'eau m'ont environné; Toutes tes vagues et tous tes flots ont passé sur moi. Je disais: Je suis chassé loin de ton regard! Mais je verrai encore ton saint temple. Les eaux m'ont couvert jusqu'à m'ôter la vie, L'abîme m'a enveloppé, Les roseaux ont entouré ma tête. Je suis descendu jusqu'aux racines des montagnes, Les barres de la terre m'enfermaient pour toujours; Mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse, Éternel, mon Dieu! Quand mon âme était abattue au dedans de moi, Je me suis souvenu de l'Éternel, Et ma prière est parvenue jusqu'à toi, Dans ton saint temple. Ceux qui s'attachent à de vaines idoles Éloignent d'eux la miséricorde. Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri d'actions de grâces, J'accomplirai les voeux que j'ai faits: Le salut vient de l'Éternel.
L'Éternel parla au poisson, et le poisson vomit Jonas sur la terre. (NDLR: Jon. 2)
Icone en steatite sculptée du saint Prophète Jonas.
Traduction par Nicolas Petit pour Iconophile orthodoxe.
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