C'est avec un grand plaisir que nous proposons a nos lecteur un article du père Stéphane Bigham, prêtre orthodoxe au Québec, spécialiste de l'art chrétien et auteur de nombreux livres et articles d'iconologie.
L'article que suit et qui sera publié en trois parties, dont la dernière est inédite, apporte un éclairage nécessaire sur la pratique couramment admise de la bénédiction des icônes. Le renouveau de la peinture d'icône et de sa théologie qui s'est opérée à la fin du XXe siècle avait semble-t-il oublié d'étudier ce sujet, qui n'est pas sans importance.
Cette article fut publié en 2005 dans un ouvrage de l'auteur intitulé "Iconologie. Neuf études", dont nous reparlerons.
Bénir les icônes :
Conforme à la Tradition de l’Église orthodoxe,
oui ou non ?
- I. Le problème
Les chrétiens orthodoxes ont l’habitude de faire bénir les icônes par un prêtre ou un évêque. Souvent les évêques les bénissent en les oignant du saint chrême. Il y a même des offices spéciaux pour bénir les différentes sortes d’icônes : celles du Christ, de la Mère de Dieu, des fêtes, etc. La plupart des fidèles n’imagineraient jamais de garder une icône non bénite dans leur maison. Ce serait une sorte de sacrilège. Mais une fois que l’image est bénite, quel que soit son sujet, goût, canonicité, etc., les fidèles pensent que, étant une simple image avant la bénédiction, elle devient une icône après, à cause de la bénédiction. Elle devient au moins une « meilleure » icône. N’étant qu’une image « profane » avant, elle devient « sainte » après, grâce à la bénédiction. Très peu d’orthodoxes questionneraient cette pratique qu’ils considèrent légitime, traditionnelle et tout à fait conforme à la sainte Tradition de l’Église. Néanmoins, c’est le but de cette étude d’examiner la pratique de bénir les icônes pour déterminer jusqu’à quel point cette pratique et la théologie qui la justifie sont véritablement conformes à la Tradition de l’Église. J’espère montrer que, malgré la pratique très répandue de bénir les icônes, elle n’est pas conforme à la Tradition ecclésiale, qu’elle est en fait contraire à cette dernière et qu’elle se fonde sur une théologie de l’icône étrangère à l’orthodoxie.